Diagnostic du Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)

7 août 2025 à 02:13

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Mafall FALL

Diagnostic du Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)

7 août 2025

Propos introductifs :  
La morosité et la stagnation de l’économie de la sous-région de la zone  Franc au début des années quatre-vingt-dix ont incité les chefs d’État à se  réunir en avril 1991, à Ouagadougou, au Burkina Faso, avec les ministres  des Finances de la Zone Franc, pour confier à un groupe d’experts, dirigé  par d’éminents juristes appelés les « Pères fondateurs », le soin de  préparer les textes fondamentaux de l'Organisation pour l'Harmonisation  en Afrique du droit des affaires (OHADA). 
Ainsi, le Traité de l’OHADA a vu jour le 17 octobre 1993, lors d'un  sommet à Port-Louis (Île Maurice). Il a été révisé en 2008 à Québec.  
Le chef de file de ce groupe était l’éminent Juge sénégalais, le Président  Kéba M'Baye, qui avait coutume de dire : « L'OHADA a une origine  africaine et sa raison d'être est économique, tout simplement » [1].  
Malheureusement, à l’épreuve du temps, le Traité lui-même n’a pas subi  de profondes mutations alors que presque tous les actes uniformes  primitifs ont été modifiés et adaptés à la réalité économique et aux  contextes juridiques.  
Ainsi, le constat est sans appel. Le Traité n’est plus en adéquation avec  ses propres textes dérivés qui demeurent en avance sur beaucoup de  points.  
A ce propos, on peut citer notamment la pandémie de Covid-19 et ses  implications sur la gouvernance des entreprises qui a secoué la rigidité  du système OHADA ; l’arbitrage d’investissement bouscule celui  commercial pour trouver une meilleure place institutionnelle ; les  questions de pure procédure abordées dans le Traité interpellent les  puristes de la légistique… 
Par ailleurs, à la Rentrée solennelle des cours et tribunaux du Sénégal de  l’année 2025, le Premier président de la Cour suprême s’interrogeait sur  le système OHADA et son devenir dans son discours d’ouverture : 
« Il nous semble nécessaire de faire le bilan de ce droit au regard  des promesses d’attractivité qui ont justifié la création de cet  espace ». 
Cette liste de problématiques, à corriger dans le Traité, n’est pas  exhaustive. Or, l'effectivité juridique des Actes uniformes doit être  améliorée, de même qu'il y’a lieu de renforcer l'appropriation des textes  par les professionnels » [2]. 
C’est pourquoi après ces constats, nous avons jugé nécessaire de  diagnostiquer le Traité lui-même, qui doit s’adapter aux nouveaux défis  de l'heure. 
En guise de rappel, la Convention de Vienne sur le droit des traités de  1969 précise en son article 2, premier alinéa, que : « a) L’expression  "traité" s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et  régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument  unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que  soit sa dénomination particulière. » 
La question nodale est de savoir si nous voulons d’une simple  administration qui se charge d’«harmoniser » le droit commercial et de  trancher les différends ou si nous aspirons à une véritable Organisation  internationale à vocation économique, politique et judiciaire ?  
Très humblement, je n’ai pas la prétention de proposer une réponse mais  le présent exercice s’efforcera de pointer les sujets à débat.  
Pour ce faire, notre présente étude dissèquera les problèmes intrinsèques liés aux institutions de l’OHADA (la première partie) et après la problématique des normes sera abordée (la deuxième partie) par une  approche à la fois théorique et empirique.
I/ Les institutions 
Le statut des organes délibérant mérite des réflexions profondes (A) par  notamment l’immunité de l’organisation et le périmètre de compétence  de la conférence des Chefs d'État et de Gouvernement. De même, le  fonctionnement des structures chargées du règlement des différends  n’échappe pas aussi la critique (B).  
A/ Les problèmes tenant à la structure des organes délibérants
1-le statut de l'organisation : problème de l'immunité  
L’article 48 indique que : « L'OHADA, ses biens et ses avoirs ne peuvent  faire l'objet d'aucune action judiciaire, sauf si elle renonce à cette  immunité. »  
Cette formulation ambiguë pourrait référer à deux types d'immunité :  l'immunité de juridiction et/ou l'immunité d'exécution. 
- L'expression « ...ne peuvent faire l’objet d’aucune action  judiciaire… » semble indiquer une immunité de juridiction.    
- Cependant, l’expression « L'OHADA, ses biens et ses avoirs… »  paraît plutôt renvoyer à une immunité d’exécution. 
Quelle est donc la portée exacte de cette immunité ? L’immunité de  juridiction n’existe quasiment plus dans la pratique actuelle, sauf dans  les enseignements académiques. Aucune personne physique ou morale  ne bénéficie aujourd’hui d’une immunité de juridiction absolue.  L'OHADA elle-même ne devrait pas jouir de cette immunité, qui  risquerait de décourager ses fournisseurs, partenaires, ainsi que ses  bailleurs de fonds. Cela limiterait également les droits de son personnel à  contester toute décision prud’hommale ou administrative injuste prise  par l’Organisation.  
Notons que cette disposition ressemble étrangement à tout égard à  l'article 20 de la Convention du CIRDI : « Le Centre, ses biens et ses avoirs, ne peuvent faire l’objet d’aucune action judiciaire, sauf s’il  renonce à cette immunité » [3] 
Il est également à souligner que nombre des dispositions du Traité  OHADA ressemblent à celles de la Convention CIRDI ainsi qu’à ses  annexes. 
2-Le statut des organes délibérants : le périmètre de  compétence de la conférence des Chefs d'État et de  Gouvernement.  
En guise de rappel, la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement  est composée des Chefs d'État et de Gouvernement des États Parties. Elle  est présidée par le Chef d'État ou de Gouvernement dont le pays assure la  présidence du Conseil des Ministres.  
L'article 27 dispose que : « ...Elle statue sur toute question relative au  Traité… » à l’analyse profonde de cette disposition, cette formulation  n’échappe pas à deux interprétations possibles :  
- La Conférence a-t-elle le pouvoir uniquement de modifier, réviser  ou amender le texte du Traité, à l’image du pouvoir constituant  originaire et du pouvoir constituant dérivé ? 
- La Conférence a-t-elle une compétence plus large pour statuer sur  toutes les questions et matières mentionnées dans le Traité ?  
Dans ce dernier cas, cela signifierait-il que seuls les Chefs d'État peuvent  modifier les questions de procédure d’arbitrage ? Si une telle  interprétation est valide, cela renforcerait l'idée de décharger le Traité de  toutes les dispositions procédurales et de détail, afin d'éviter aux Chefs  d'États et de Gouvernements d’opiner de questions purement techniques.  
Rappelons-nous l'épisode de la demande de prorogation du mandat de la  présidence tournante par la Guinée Équatoriale, durant la période de la  Covid-19. La compétence du Conseil des Ministres pour se prononcer sur  cette demande avait été contestée. En l'occurrence, le Conseil des  Ministres s’était déclaré incompétent pour apprécier un point relatif au  Traité et avait renvoyé cette décision aux Chefs d'État.
B/ Les problèmes tenant au fonctionnement des organes  chargés du traitement des différends 
1-Le statut des juges de la Cour commune de justice et  d'arbitrage (CCJA). 
Les dispositions concernant le nombre de juges, leur profil, le régime de  vacance d’un poste de juge, la fin de la durée des mandats, le mode  d’élection du Président et des vice-présidents, ainsi que la nomination du  greffier en chef et du Secrétaire général, devraient être retirées du Traité  et incluses dans un document distinct et dédié au « statut spécial du  personnel » de la Cour.  
Ce document statutaire, axé sur la gestion du personnel magistrat et non magistrat, offrirait l’avantage d’être modifiable selon les besoins de la  Cour et les choix politiques. Cette technique légistique n’enlèvera en rien  à l’honorabilité des magistrats de la CCJA. 
D’ailleurs, le rédacteur du Traité a appliqué une approche similaire  concernant le Secrétariat Permanent et l’École Régionale Supérieure de  la Magistrature (ERSUMA). Les articles 40 et 41 abordent les principes  de ces deux institutions et délèguent à un Règlement le soin de préciser  les modalités d’organisation et de fonctionnement.  
2-Le statut des arbitres dans le système d'arbitrage de la CCJA 
L’article 49 du Traité dispose que : « Dans les conditions déterminées par  un règlement, les fonctionnaires et employés de l'OHADA, les juges de la  Cour commune de justice et d'arbitrage, ainsi que les arbitres nommés ou  confirmés par celle-ci, jouissent dans l'exercice de leurs fonctions des  privilèges et immunités diplomatiques. »  
L’immunité dont bénéficient les arbitres suscite des interrogations quant  à sa pertinence. En effet, comment un arbitre pourrait-il jouir de ces  privilèges et immunités alors qu'il n'entretient aucun lien fonctionnel ou  contractuel avec l’Organisation ? 
S’il est vrai que l’Organisation fonctionne à travers des structures et  organes chargés de son administration ou du règlement des différends, il  n’en demeure pas moins que l’OHADA secrète aussi des normes qui  constituent la sève du droit des affaires. 
II/ Les normes 
Le Traité de l’OHADA entretient un terreau inexplicable à la procédure  (A) applicable à beaucoup de sujets qui militent en faveur d’une reforme  audacieuse. Au-delà, il convient de noter que des interrogations de fond (B) se dressent devant nous pour interpeller la doctrine.  
A/ La place de la procédure dans le Traité 
Les articles 16, 17 et 18 traitent de questions de procédure devant la CCJA  (pourvoi, saisine, incompétence…).  
Cette situation semble inappropriée dans un texte fondamental. Pourtant  l’article 19 dispose clairement que la « procédure devant la Cour  Commune de Justice et d'Arbitrage est fixée par un Règlement... ».  
En outre, en ce qui concerne l’arbitrage, le Traité aborde de manière mal  à propos des questions de procédure telles que la désignation et la  récusation des arbitres ainsi que la composition du tribunal arbitral.  
Ces aspects devraient être exclusivement réglés par l’Acte uniforme  relatif au droit de l’arbitrage et le Règlement de procédure arbitrale. Par  conséquent, nous suggérons que ces dispositions procédurales soient  transférées au Règlement de procédure de la CCJA ou à des textes infras.  
Un Traité n’a pas pour vocation de traiter de détails procéduraux. 
B/ Les problèmes de fond tenant à l'inadaptation de certaines  règles 
1-Définition du champ d'application par énumération des  matières 
L'article 2 dispose que : 
« Pour l'application du présent Traité, entrent dans le domaine du  droit des affaires l'ensemble des règles relatives au droit des  sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement  des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime du  redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au  droit de la vente et des transports, et toute autre matière que le  Conseil des Ministres déciderait, à l'unanimité, d'y inclure,  conformément à l'objet du présent Traité et aux dispositions de  l'article 8 ci-après ».  
Cette définition par énumération des matières ne cesse de poser des  difficultés pour la doctrine. Le droit du travail, par exemple, rencontre  des résistances car il est considéré d’une part comme étant à mille lieues  de la commercialité et d’autre part comme relevant de la compétence  d'autres organisations internationales.  
Par ailleurs et concernant l’extensibilité du champ d’application, Certains  avancent que la clause de révision par « toute autre matière que le  Conseil des Ministres déciderait, à l'unanimité, d'y inclure » permet de  surmonter cette difficulté.  
Cependant, malgré les vives attaques contre cette disposition, l’article 2 a  survécu lors de la révision de 2008.  
Il faut admettre, tout de même, que trouver une définition adéquate et  consensuelle du droit des affaires demeure complexe.  
2-Sur l'absence de disposition portant création de  l'organisation. 
À dire vrai, l’OHADA, en tant qu’Organisation internationale ayant la  personnalité juridique, n’aurait pas été créée dans les règles légistiques  connues.  
La lecture de l’article premier révèle une absence de disposition sur la  volonté réelle de création de l’Organisation.  
En réalité, il faut se référer à l’article 3 pour trouver une mention de  l'Organisation dans le texte. Notons qu’aucune disposition du Traité  n’indique explicitement la création de l’OHADA.  
Le libellé de l’article 3 « La réalisation des tâches prévues au présent  Traité est assurée par une organisation dénommée Organisation pour  l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) », suffit-il à  créer l'Organisation ? 
Il apparaît que le Traité aurait dû commencer par une section première  consacrée à la création et à la composition de l’Organisation avant  d'énumérer ses buts et objectifs. 
N’empêche, il faut quand même relativiser cette assertion si l’on se place  dans l’esprit des rédacteurs du Traité. Les « pères fondateurs » voulaient  moins créer une Organisation internationale au sens du droit  international que de se limiter à harmoniser simplement le droit des  affaires dans les États-parties.  
3-Sur l'absence de principes fondamentaux et des définitions 
A notre avis, les énoncés dans le préambule du Traité de certains  objectifs ne suffisent pas pour tresser le périmètre des principes  fondamentaux d’une Organisation internationale.  
En comparaison à d’autres Traités, l'absence de dispositions énonçant les  « principes généraux et/ou fondamentaux » de l’Organisation fait défaut. 
De même, il serait fort indiqué de définir certains termes pour éviter des  interprétations diverses qui pourraient fausser ainsi l’harmonisation tant  recherchée.  
Ces principes et définitions, s'ils étaient intégrés dans le texte du Traité,  permettraient, en cas de besoin, à la Cour Commune de Justice et  d'Arbitrage (CCJA) de procéder à une meilleure interprétation et  application du droit OHADA.  
4-Sur l’inexistence de mécanisme de retrait ou d’exclusion  d’un État-partie 
Le traité ne prévoit pas de modalités pour le retrait volontaire d’un État partie ou pour son exclusion par ses pairs en cas de manquement  statutaire ou de faute préétablie. Ce n’est pas souhaitable mais une telle  situation pourrait survenir.  
La Communauté économique des États de l'Afrique de  l'Ouest(CEDEAO) qui n’avait pas de mécanisme d’entrée d’un autre État  non membre à la création de l’Organisation, en souffre, avec le Maroc qui  manifeste ce désir.  
Il serait alors pertinent de prévoir les modalités nécessaires de sortie  pour éviter des tergiversations diplomatiques ou des contentieux inutiles. 
Comme il existe des mécanismes pour l'adhésion, on s'étonne de  l'absence de dispositions organisant la sortie volontaire ou forcée d’un  État de l’Organisation. 
5-L’éparpillement des dispositions finales dans le texte 
Les dispositions de la charpente du Traité ne sont pas structurées de  manière à faciliter la lecture et la compréhension du texte. 
On constate en effet une présence inappropriée de certaines dispositions  finales et générales au début du texte. A titre illustratif, le choix du siège  et des langues de travail est introduit sans cohérence apparente.  
D'ailleurs, l'article 42, qui concerne les langues de travail, semble surgir  dans le texte sans une corrélation avec les autres articles environnants.  
Idéalement, le législateur communautaire aurait dû inclure à la fin du  texte un titre ou un chapitre consacré aux dispositions finales, agrégeant  tous les articles pertinents de cette même nature. 
6-Clarification de la nature juridique des Actes uniformes 
La doctrine, riche et variée, se débat encore pour s'accorder sur la  catégorisation de la nature juridique des Actes uniformes de l'OHADA.  
Il convient de relever l'ambiguïté entre les termes « harmonisation » et «  uniformisation ». Il est étonnant de constater que, dès l’intitulé de  l’Organisation, le législateur originel utilise le terme « harmonisation »,  tandis que pour les normes dérivées, il qualifie les actes d’ « uniformes ». 
Considérant les Actes uniformes comme une loi au niveau national,  plusieurs questions juridiques se posent, telles que la violation de l’Acte  uniforme par une disposition réglementaire (comme un décret ou un  arrêté). Dans ce cas, serait-il possible d’invoquer un recours pour excès  de pouvoir devant la Cour suprême, qui apprécierait alors la conformité  du droit OHADA intégré dans l’ordonnancement juridique national par  rapport à un acte administratif en violation ? 
« il devient possible d'admettre une distinction entre un traité de droit  international public et un traité de droit interne. Et le traité OHADA  s'assimile au traité de droit interne, parce que ses sujets et son objet sont  rattachables à la sphère interne de l'Etat membre de l'OHADA et non à sa  sphère internationale. Le sort du droit originaire affecte le droit dérivé,  qui emprunte en conséquence son identité. C'est dire que les règlements,  les décisions et les actes uniformes ne s'inscrivent pas comme source du  droit international public. A l'instar du traité fondateur, leurs sujets et  objets présentent un caractère national et non international. Toute chose  qui valide l'exclusion du droit OHADA du droit international public.  
Le droit OHADA semble aussi exclu du droit communautaire »[4]. 
7- Une nécessaire réécriture de l’article 10 du traité de  l’OHADA  
L’article 10 du Traité de l’OHADA dispose que :« Les actes uniformes  sont directement applicables et obligatoires dans les États Parties,  nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou  postérieure ». Cette disposition suscite des inquiétudes alarmantes qui  justifient l’urgence de sa réécriture. 
En effet, le terme « abrogation » n’apparait nullement dans cette  disposition qui continue de faire l’objet de vives critiques.  
La grande question demeure de savoir si les actes uniformes sont  applicables soit parce qu’ils ont une valeur juridique supérieure à celle  des dispositions de droit internes, soit parce que les dispositions de droit  internes ont été abrogées.[5] 
Et malgré ce flou rédactionnel, la CCJA n’a pas hésité à consacrer le  caractère abrogatif de cet article 10 du traité de l’OHADA qui a survécu à  la révision du Traité en 2008 à Québec. [6] 
La position du Professeur Ndiaw Diouf semble épouser une posture plus  prudente. Il affirme avec justesse que les Actes uniformes  « neutralisent » et n’«abrogent » pas le droit interne tant qu’ils sont  applicables dans le même champ.  
Cette « neutralisation » s’accommode mieux avec les changements  normatifs de l’OHADA.  
En effet, si l’on reconnaît l’abrogation des dispositions internes par les  actes uniformes, cela signifie-t-il que si le législateur de l'OHADA  réformait ou annulait un acte uniforme ou une partie de celui-ci, les États  parties devraient alors prendre des mesures normatives de réintégration  des dispositions abrogées dans l’ordonnancement juridique ? 
Il s’y ajoute par ailleurs, qu’en droit, l'abrogation n’a de sens que pour un  texte déjà adopté ou entré en vigueur et non pour le futur.  
L’article 10 mérite une réécriture.  
8-L’arbitrage d’investissement : dissonance entre le Traité et  l’Acte uniforme 
L’article 21 du Traité précise qu'une procédure arbitrale peut être  engagée par une clause compromissoire ou par un compromis  d'arbitrage. 
Mais avec la réforme de 2017, l’Acte uniforme relatif au droit de  l'arbitrage, dans son article 3, ajoute que l'arbitrage peut également se  fonder sur un instrument relatif aux investissements, tel qu'un code des  investissements ou un traité bilatéral ou multilatéral.  
L’article 2 du Règlement d’arbitrage de la CCJA le souligne aussi,  disposant que « La Cour peut également administrer des procédures  arbitrales fondées sur un instrument relatif aux investissements,  notamment un Code des investissements ou un traité bilatéral ou  multilatéral relatif aux investissements ».  
Ainsi, il y’a une dissimilitude entre le Traité qui se limite à un « contrat »  et les textes subséquents qui, eux, incluent d'autres bases légales comme  les codes ou traités d’investissement.  
Il urge alors de les mettre en harmonie. 
Vous remarquerez ici à quel point la recommandation d’éviter une  définition du droit des affaires par une énumération rejaillit parfaitement.  
Conclusion : 
Il est utile de souligner que le projet OHADA est l’œuvre d’abord des  économistes et financiers de la Zone Franc. [7] 
Aujourd’hui, composée de 17 États membres, l’OHADA est un Traité  ouvert non seulement à tout État membre de l’Union Africaine, mais  aussi à tout État non africain invité à y adhérer par accord commun avec  les États parties.  
Pour renforcer l’attractivité du système d’arbitrage de l’OHADA, nous  recommandons de réduire au maximum l’intervention de la Cour dans  l’administration du centre d’arbitrage.  
Le lien étroit entre la Cour et le Centre d’arbitrage devrait soit être coupé,  soit être réduit au strict minimum. Pour une analyse plus approfondie,  nous renvoyons au « Document relatif à l’élaboration d’une stratégie de  promotion de l’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage »,  ainsi qu’au « Rapport sur une stratégie de promotion du système  d’arbitrage de la CCJA » rédigé avec brio par l’Expert Dr. Gaston Kenfack  Douajni (HDR).  
Nous estimons que la meilleure optique légistique serait d’énoncer  clairement le principe de l’arbitrage dès le début de l’article 21, tout en  renvoyant toutes les questions de procédure au Règlement  correspondant.  
De même, la procédure législative des normes OHADA interpelle de plus  en plus les acteurs judiciaires. Faut-il repenser la compétence du Conseil  des Ministres qui se substitue à nos parlements ? 
En définitive, « Que penser alors du droit de l’Organisation pour  l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) qui découle  des actes uniformes pris par le Conseil des Ministres des États  membres ? 
Nos parlements n’interviennent pas pour autoriser leur ratification, ce  droit n’en ayant pas besoin. C’est une originalité parce que, selon l’article  9 du traité OHADA, le texte adopté par le Conseil des Ministres entre en  vigueur quatre-vingt-dix (90) jours après sa publication au journal  officiel de l’OHADA » [8]. 
8 Mahamadou Mansour Mbaye, Premier président de la Cour suprême du Sénégal, discours de la  Rentrée solennelle des cours et tribunaux, 16 janvier 2025.
[1] À 30 ans, l’OHADA dans la force de l’âge , Philippe Dupichot et Julien David, GIDE, GIDE  LOYRETTE NOUEL, 15 janvier 2024
[2] https://www.ohada.com/actualite/6738/publication-de-letude-dimpact-economique-de-lohada.html
[3] Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements a été créé par la  Convention de Washington du 18 mars 1965 avec 165 pays membres."
[4] L'OHADA, le système juridique et le système judiciaire (première partie), par Hervé Magloire  Moneboulou Minkada, Agrégé des Facultés de Droit, Enseignant à l'Université de Douala, paru dans  La lettre juridique n°727 du 18 janvier 2018 : Ohada (https://www.lexbase.fr/article juridique/44688300-doctrine-l-ohada-le-systeme-juridique-et-le-systeme-judiciaire-premiere) 
[5] LE SENS DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 10 DU TRAITÉ DE L’OHADA.par Ismael  Mayela.https://www.village-justice.com/articles/sens-des-dispositions-article-traite ohada,32150.html 
[6] Avis n°001/2001/EP du 30 avril 2001 : « Sur la première question, en deux branches
a) L’article 10 du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique contient une règle de  supranationalité parce qu’il prévoit l’application directe et obligatoire dans les Etats-Parties des actes  uniformes et institue, par ailleurs, leur suprématie sur les dispositions droit interne antérieures ou  postérieures. 
b) En vertu du principe supranationalité qu’il consacre l’article 10 du traité relatif à l’harmonisation du  droit des affaires en Afrique qui prévoit l’application directe et obligatoire des actes uniformes dans les  Etas-Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure,  contient bien une règle relative à l’abrogation du droit interne par les Actes Uniformes ». 
[7] « Le projet d’un droit harmonisé est repris au début des années 1990 par les Ministres africains de  l’Économie et des Finances de la zone franc lorsqu’ils se réunissent une première fois à Ouagadougou  au Burkina Faso en avril 1991»7. A l’issue de cette première rencontre, il faut constater que « les 2 et 3  octobre 1991 à Paris, une seconde réunion s’ensuit, à laquelle assistent les mêmes protagonistes, et  où, en écho à des problématiques d’ordre économique et en matière d’investissement posées par les  États, la volonté de réaliser un projet d’un droit harmonisé est réitérée. Les Ministres mandatent  alors une commission aux fins qu’elle planche plus en avant sur la faisabilité d’un tel projet » 
AMADOU Atinoukê:« La dimension institutionnelle de l’OHADA » La lettre d’information juridique  africaine| N°1, l’OHADA, éditions Oya p .4 §14 www.oyalex.africa
[8] Mahamadou Mansour Mbaye, Premier président de la Cour suprême du Sénégal, discours de la  Rentrée solennelle des cours et tribunaux, 16 janvier 2025.
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